Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/391

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qui luy peut estre survenu, mais il m’a tant conjurée de venir.icy, que je n’ay peu dilayer. Je vous supplie de vous promener, cependant que nous serons ensemble, car sur tout il m’a requis que je fusse seule. – Je feray, respondit Astrée, tout ce qu’il vous plaira, mais prenez garde qu’il ne soit trouvé mauvais de vous voir parler à luy à ces heures indues, et mesme estant seule en ce lieu escarté. – C’est pour ceste consideration, respondit Phillis, que je vous ay donné la peine de venir jusqu’icy, et c’est pour cela aussi que je vous supplie de vous promener si pres de nous, que si quelqu’un survient, il pense que nous soyons tous trois ensemble.

Cependant qu’elles parloient ainsi, Diane et Paris pressoient Hylas de leur raconter sa vie, pour satisfaire au commandement de sa maistresse, et quoy qu’il en fist beaucoup de difficulté, si est-ce qu’en fin il commença de ceste sorte.

Histoire de Hylas

Vous voulez donc, belle maistresse de la mienne, et vous, gentil Paris, que je vous die les fortunes qui me sont advenues, depuis que j’ay commencé d’aimer ? Ne croyez pas que le refus que j’en ay fait, vienne de ne sçavoir que dire, car j’ay trop aimé pour avoir faute de suject, mais plustost de ce que je vois trop peu de jour pour avoir le loisir, non pas de les vous dire toutes (cela seroit trop long), mais bien d’en commencer une seulement. Toutesfois, puis que pour obeir, il faut que je satisfasse à vos volontez, je vous prie, en m’escoutant, de vous ressouvenir, que toute chose est sujette à quelque puissance superieure, qui la force presque aux actions qu’il luy plaist. Et celle à quoy la mienne m’incline ainsi violemment, c’est l’amour : car autrement vous vous estonneriez peut-estre,