Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/40

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que la mort. Que si c’est pour esprouver quelle puissance vous avez sur moy, pourquoy n’en rechercher vous un tesmoignage plus prompt que celui-cy, de qui la longueur vous doit estre ennuyeuse : car je ne sçaurois penser que ce soit pour celer nostre dessein comme vous dites, puis que ne pouvant vivre en telle contrainte, ma mort sans doute en donnera assez prompte et deplorable cognoissance. Jugez donc, mon bel Astre, que c’est assez endure, et qu’il est desormais temps que vous me permettiez de faire le personnage de Celadon, ayant si longuement, et avec tant de Peine representé celuy de la personne du monde, qui luy est la plus contraire.

O quels cousteaux trenchans furent ces paroles en son ame  ! lors qu’elles luy remirent en memoire le commandement qu’elle luy avoit fait, et’la resolution qu’ils avoient prise de cacher par ceste dissimulation leur amitié. Mais voyez quels sont les enchantemens d’amour : elle recevoit un desplaisir extreme de la mort de Celadon, et toutefois elle n’estoit point sans quelque contentement au milieu de tant d’ennuis, cognoissant que veritablement il ne luy avait point este infidelle. Et des qu’elle en fust certaine, et que tant de preuves eurent esclaircy les nuages de sa jalousie, toutes ces considerations se joignirent ensemble, pour avoir plus de force à la tourmenter; de sorte que ne pouvant recourre à autre remede qu’aux larmes, tant pour plaindre Celadon, que pour pleurer sa propre perte, elle donna commencement à ses regrets, avec un ruisseau de pleurs. Et puis de cent pitoyables helas  ! interrompant le repos de son estomach, d’infinis sanglots le respirer de sa vie, et d’impitoyables mains outrageant ses belles mains mesmes, elle se ramenteut la fidelle amitié qu’elle avoit auparavant recogneue en ce berger, l’extremité de son affection, le desespoir où l’avoit poussé si promptement la rigueur de sa response. Et