Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/413

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nom fut Cloris, et mon pere s’apella Leonce, frere de Gerestan, entre les mains de qui je fus remise apres la morte de mon pere et de ma mere, qui fut en l’aage que je vous ay dit. Et deslors, je commençay à ressentir les coups de la fortune, car mon oncle ayant plus de soin de ses enfans que de moy, se sentoit bien fort importuné de ma charge. Toute la consolation que j’avois, estoit de sa femme qui se nommoit Callirée, car celle-là m’aimoit, et m’accomodoit de tout ce qui luy estoit possible, sans que son mary le sceust. Mais le Ciel vouloit m’affliger du tout, car lors que Filandre, frere de Callirée, fut tué, elle en eut tant de regret, qu’il n’y eut jamais consolatioin de personne qui la peust faire resoudre à le survivre, de sorte que peu de jours apres elle mourut, et je demeuray avec deux de ses filles, qui estoient encore si jeunes que je n’en pouvois guiere avoir du contentement.

Il advint qu’un berger de la province Viennoise, nommé Rosidor, vint visiter le temple d’Hercules, qui est pres des rives du Furan, sur le haut d’un rocher qui s’esleve au milieu des autres montagnes par dessus toutes celles qui luy sont autour. Le jour qu’il y fut, nous nous y trouvasmes une forte bonne trouppe de jeunes bergeres, car c’estoit un jour fort solemnel pour ce lieu-là. Ce ne seroit qu’user de paroles inutiles, de raconter les propos que nous eusmes ensemble, et la façon dont il me declara son amitié ; tant y a que depuis ce jour, il se donna de sorte à moy, que jamais il n’a fait paroistre de s’en vouloir desdire. Il estoit jeune et beau ; quant à son bien, il en avoit beaucoup plus que je ne devois esperer, au reste l’esprit si ressemblant à ce qui se voyoit du corps, que c’estoit un tres-parfait assemblage.

Sa recherche dura quatre ans, sans que je puisse