tout ce qu’ils entreprennent, et que l’amitié qu’ils font paroistre à vous autres femmes n’est que pour s’en faciliter le chemin ? Voyez-vous, Leonide, tout amour est pour le desir de chose qui deffaut : le desir estant assouvy, n’est plus desir ; n’y ayant plus de desir, il n’y a plus d’amour. Voilà pourquoy celles qui veulent estre long-temps aimées, sont celles qui donnent moins de satisfaction aux desirs des amants. – Mais adjousta Leonide, celle dont je parle, est une de mes particulieres amies, et je sçay que jamais elle n’a traité envers Polemas qu’avec toute la froideur qui se peut dire. – Cela aussi, repliqua Adamas, fait perdre le desir, car le desir se nourrit de l’esperance, et des faveurs. Or tout ainsi que la mesche de la lampe s’estaint quand l’huile deffaut, de mesme le desir meurt, lorsque sa nourriture luy est ostée ; voilà pourquoy nous voyons tant d’amours qui se changent, les unes par trop, et les autres par trop peu de faveurs.
Mais retournons à ce que vous disiez à Galathée. Qu’est-ce qu’elle vous respondit ? – Si Polemas, respondit Leonide, eust eu, me dit-elle, autant de jugement pour se mesurer, que de temerité pour m’oser aimer, il eust receu ces faveurs de ma courtoisie et non pas de mon amour. Mais, continua Galathée, cela n’a rien esté au prix de l’accident qui est arrivé en mesme temps ; car à peine avois-je respondu à Polemas ce que vous avez ouy, que Lindamor suivant le cours de la danse, m’est venu desrober, et si dextrement, que Polemas ne l’a sceu eviter, ny par mesme moyen me respondre qu’avec les yeux, mais certes il l’a fait avec un visage si renfroigné que je ne sçay comme j’ay peu m’empescher de rire. Quant à Lindamor, ou il ne s’en est pris garde, ou le recognoissant, il ne l’a voulu faire paroistre, tant y a qu’incontinent apres