Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/447

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du gain le fit resoudre, puis qu’il avoit promis, d’observer sa parole. Et de ce pas s‘en va trouver Lindamor qui l’attendoit, car la nymphe l’asseura qu’elle le luy envoyeroit, et que seulement il luy fist bien entendre ce qu’il auroit à faire.

Soudain que Lindamor le vid, il feignit devant chacun de ne le cognoistre pas beaucoup, et luy demanda s’il avoit quelque affaire à luy. A quoy il luy repondit tout haut, qu’il le venoit supplier de representer à Amasis ses longs services, et le peu de moyen, qu’il avoit d’estre payé de ce qui luy estoit deu. Et en fin luy parlant plus bas, luy dit l’occasion de sa venue, et s’offrit à luy rendre tout le service qu’il luy plairoit. Lindamor le remercia et luy ayant briefvement fait entendre ce qu’il avoit à faire, il jugea la chose si aisée qu’il n’en fit point de difficulté. Dés lors, comme je vous ay dit, quand Lindamor vouloit escrire, Fleurial faisoit semblant de presenter une requeste à la nymphe, et quand elle faisoit response, elle la luy rendoit avec le decret tel qu’elle l’avoit peu obtenir d’Amasis. Et parce que d’ordinaire ces vieux serviteurs ont tousjours quelque chose à demander, cestuy-cy n’avoit pas faute de sujet, pour luy presenter à toute heure de nouvelles requestes, qui obtenoient le plus souvent des responses advantageuses outre son esperance mesme.

Or durant ce temps, l’amitié que la nymphe avoit portée à Polemas diminua de telle sorte qu’à peine pouvoit elle parler à luy sans mespris, ce que ne pouvant supporter, et cognoissant bien que toute ceste froideur procedoit de l’amitié naissante de Lindamor, il se laissa tellement transporter, que n’osant parler contre Galathée, il ne peut s’empescher de dire plusieurs choses au desavantage de Lindamor, et entre autres que quoy qu’il fust bien honneste homme, et