Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/452

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ay peur que de crainte il ne descouvre cet affaire à Amasis, ou ne s’enfuye, et ce qui luy feroit descouvrir, seroit pour s’en excuser de bonne heure. Pour Dieu, madame, considerez que desplaisir ce vous seroit : ne vaut-il pas mieux, sans rien rompre, que vous trouviez commodité de vous plaindre à Lindamor ? Et si vous ne le voulez faire, je le feray bien, et m’asseure qu’il vous satisfaira, ou bien si cela n’est, vous aurez, au partir de là , occasion de rompre du tout ceste amitié, le luy disant à luy-mesme, sans en donner cognoissance à Fleurial. – De parler à luy, me dit-elle, je sçaurois ; de luy en faire parler, mon courage ne le peut souffrir, car je luy veux trop de mal. Voyant qu’elle avoit le cœur si enflé de ceste offense : Pour le moins, luy dis-je, vous devez luy escrire. – Ne parlons point de cela, me dit-elle, c’est un outrecuidé, il n’a que trop de mes lettres. Enfin, ne pouvant obtenir autre chose d’elle, elle me permit de plier un papier en façon de lettre, et le remettre dans la requeste de Fleurial, et la luy porter. Et cela afin qu’il ne s’apperceust de ceste dissension.

Quel fut l’estonnement du pauvre Lindamor, quand il receut ce papier ! Il est mal-aisé de le pouvoir dire à qui ne l’auroit esprouvé. Et ce qui l’affligea d’avantage fut qu’il devoit par necessité partir le matin pour aller en ce voyage où les affaires d’Amasis et de Clidaman l’obligeoient de demeurer assez long-temps. De retarder son despart il ne le pouvoit, de s’en aller ainsi, c’estoit mourir. Enfin il resolut à l’heure mesme de luy escrire encores un coup, plus pour hazarder, que pour esperer quelque bonne fortune. Fleurial fit bien ce qu’il peut pour la representer promptement à Galathée, mais il ne le sceut faire, parce qu’elle, ressentant vivement ce desplaisir, ne pouvoit supporter ceste des-union qu’avec tant d’ennuy, qu’elle fut contrainte de se