Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/468

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figura, ou qu’il estoit en tres-mauvais estat, ou quelque chose de pire, et se sentit tellement pressée de ceste inquietude, qu’il ne luy fut pas possible de tenir plus longuement sa resolution.

Deux jours apres que Fleurial fut party, elle me fit venir en son cabinet, et là, feignant de parler d’autre chose, me dit : Sçavez-vous point comme se porte la tante de Fleurial. – Je luy respondis, que depuis qu’il estoit party, je n’en avois rien sceu. – Vrayement, me dit-elle, je regretterois bien fort ceste bonne vieille, s’il en mesavenoit. – Vous auriez raison, luy dis-je, madame, car elle vous aime, et avez receu beaucoup de services d’elle, qui n’ont point esté encor assez recogneus. – Si elle vit, dit-elle, je le feray, et apres elle les recognoistray envers Fleurial à sa consideration. Alors je respondis : Et le services de la tante et ceux du nepveu meritent bien chacun d’eux, mesmes recompenses, et principalement de Fleurial, car sa fidelité et son affection ne se peuvent acheter. – Il est vray, me dit-elle. Mais, à propos de Fleurial, qu’aviez-vous tant à luy dire ou luy à vous, quand il partit ? – Je respondis froidement : Je me recommandois à sa tante. – Des recommandations, me dit-elle, ne sont pas si longues.

Alors elle s’approcha de moy et me mit une main sur l’espaule. Dites la verité, continua-t’elle, vous parliez d’autre chose. – Et que pourroit-ce estre, lui repliquay-je, si ce n’estoit cela ? Je n’ay point d’autres affaires avec luy. – Or je cognoy, me dit-elle, à ceste heure que vous feignez. Pourquoy dites-vous que vous n’avez point d’autres affaires avec luy, et combien en avez-vous eu pour Lindamor ? – O ! Madame, luy dis-je, je ne croyais pas que vous eussiez à ceste heure memoire d’une personne qui a esté tant infortunée. Et en me taisant je fis un grand souspir. – Qu’y a-t’il, me dit-elle, que vous souspirez ?