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Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/492

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le feray d’autant plus volontiers, qu’il est mesme à propos que pour y pouvoir à l’advenir, elles ne vous soient point cachées. C’est de Leonide dont je parle, que le destin semble vouloir embrouiller d’ordinaire aux desseins de Galathée. Ce que je vous en dis, n’est pas pour la blasmer, ou pour le publier, car le vous disant, je ne le croy moins secret, que si vous ne l’aviez pas sceu. Il faut donc, que vous entendiez, qu’il y a fort longtemps que la beauté et les merites de Leonide luy acquirent, apres une longue recherche, l’affection de Polemas. Et parce que les merites de ce chevalier ne sont point si petits, qu’ils ne puissent se faire aimer, vostre niece ne se contenta d’estre aymée, mais voulut aussi aymer ; toutesfois elle s’y conduisit avec tant de discretion, que Polemas mesme fut longuement sans en rien sçavoir. Je sçay que vous avez aimé, et que vous sçavez mieux que moy, combien mal aisément se peut cacher amour, tant y a qu’en fin le voile estant osté, et l’un et l’autre se cogneut, et amant et aimé ; toutesfois ceste amitié estoit si honneste, qu’elle ne leur avoit permis de se l’oser declarer.

Apres le sacrifice qu’Amasis fait tous les ans le jour qu’elle espousa Pymandre, il advint que l’apres-dinée nous trouvans toutes dans les jardins de Montbrison, pour passer plus joyeusement ceste heureuse journée, elle et moy, pour nous garentir du soleil, nous estions assises sous quelques arbres qui faisoyent un agreable ombrage. A peine y estions-nous que Polemas se vint mettre parmy nous, feignant que ç’avoit esté par hazard qu’il nous eust rencontrées, quoy que j’eusse bien pris garde qu’il y avoit long-temps qu’il nous accompagnoit de l’œil. Et parce que nous demeurions sans dire mot, et qu’il avoit la voix fort bonne, je luy dis qu’il nous obligeroit fort s’il vouloit chanter. Je le feray, dit-il, si ceste belle, monstrant Leonide, me le commande. – Un