Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/533

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marry de vous desobeyr jamais, et moins pour cet effet que pour tout autre. Je voy que vous trouvez bonne l’alliance d’Amaranthe, vous sçavez qu’il n’y a bergere que j’affectionne ; d’avantage toutesfois je l’aime fort pour maistresse, mais non pas pour femme, et vous supplie de ne me commander d’en dire la cause.

Le pere à ces propos soupçonna qu’il eust recogneu quelque mauvaise condition en la bergere, et loua en son ame la prudence de son fils qui avoit ce commandement sur ses affections. Ainsi ce coup fut rompu. Et d’autant que la chose estoit passée si avant que plusieurs l’avoient sceue, plusieurs aussi demandoient d’où ce refroidissement procedoit, le pere ne peut s’empescher d’en dire quelque chose à ses plus familiers et eux à d’autres, si bien qu’Amarante en eut le vent, qui au commencement s’affligea fort mais depuis repensant en elle mesme quelle folie estoit la sienne de se vouloir faire aimer par force, peu à peu s’en retira et la premiere occasion qu’elle vid de se marier, elle la receut. Ainsi ces honnestes amants furent allegez d’un faix si mal-aisé à supporter, mais ce ne fut que pour estre surchargez d’un autre beaucoup plus pesant.

Bellinde estoit des-ja en aage d’estre mariée et Philemon infiniment desireux de la loger, pour avoir sur ses vieux jours le contentement de se voir renaistre en ce qui viendroit d’elle. Il eust bien receu Celion, mais Bellinde qui fuyoit autant le mariage que la mort, avoit deffendu à ce berger d’en parler, bien luy avoit-elle promis que si elle se voyoit contrainte de se marier, elle l’en advertiroit, à fin qu’il la fist demander, qui fut cause que Philemon, voyant la froideur de Celion, ne la luy voulut pas offrir. Et cependant Ergaste, berger des principaux de ceste contrée et qui estoit estimé de chacun pour ses