Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/566

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mis à pied; car d’abord l’ennemy, faisant desbander quelques archers, nous fit tirer sur les aisles tant de traits que nostre cavalerie n’osant quitter son rang, eut beaucoup à souffrir, avant que Meroüé eust envoyé des siens pour escarmoucher avec eux.

Et entre ceux qui au second effort en furent incommodez, Clidaman en fut un, car son cheval tomba mort de trois coups de flesches. Ligdamon qui avoit tousjours l’œil sur luy, soudain qu’il le vid en terre poussa son cheval d’extreme furie, et fit tant d’armes qu’il fit un rond de corps morts à l’entour de Clidaman, qui cependant eut loisir de se despestrer de son cheval. La furie de l’ennemy qui à la cheute de Clidaman s’estoit renforcée en ce lieu, I’eust en fin estouffé sous les pieds des chevaux, sans le secours et sans la valeur de mon maistre, qui se jettant à terre, le remit sur son cheval, demeurant à pied si blessé et si pressé des ennemis qu’il ne peut monter sur le cheval que je luy menois. En ce poinct les nostres furent forcez de reculer, comme se sentants affaiblis à ce que je croy du bras invincible de mon maistre, et le malheur fut si grand pour nous que nous nous trouvasmes au milieu de tant d’ennemis qu’il n’y eut plus d’esperance de salut.

Toutesfois Ligdamon ne voulut jamais se rendre, et quoy qu’il fust blessé et si las que l’on peut imaginer, si n’y avoit-il si hardy, voyant les grands coups qui sortoient de son bras, qui osast l’attaquer. En fin à toute furie de chevaux, cinq ou six le vindrent heurter, et si à l’impourveu qu’ayant donné de son espée dans le poitral du premier cheval, elle se rompit pres de la garde et le cheval frappé dans le cœur luy tomba dessus. Je courus alors pour le relever, mais dix ou douze qui se jetterent sur luy m’en empescherent, et ainsi tous deux demy-morts, nous fusmes enlevez. Et cest