Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/584

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes representoient quelque effect de la puissance d’Amour.

Au milieu de la grotte on voyoit le tombeau, eslevé de la hauteur de dix ou douze pieds, quipar le haut se fermoit en couronne, et tout à l’entour estoit garny de tableaux, dont les peintures estoient si bien faictes que le veue en decevoit le jugement. La separation de chaque tableau se faisoit par des demy pilliers de marbre noir rayez; les encoigneures du tombeau, les bazes et les chapiteaux des demy colonnes, et la cornice qui tout à l’entour en façon de ceinture r’attachoit ces tableaux, et de diverses pieces n’en faisoit qu’une bien composée. estoit du mesme marbre.

La curiosité de Celadon fut assez grande, apres avoir consideré le tout ensemble, pour desirer d’en sçavoir les particularitez. Et à fin de donner occasion à la nymphe de luy en dire quelque chose, il louoit l’invention et l’artifice de l’ouvrier. – Ce sont, adjousta la nymple, les esprits de Mandrague qui depuis quelque temps ont laissé cecy pou tesmoignage. que l’amour ne pardonne non plus au poil chenu qu’aux cheveux blonds, et pou raconter à jamais à ceux qui viendront icy les infortunes et infidelles amours de Damon, d’elle et de la bergere fortune. – Et quoy, repliqua Celadon, est-ce icy la fontaine de la verité d’amour? – Non. respondit la nymphe, mais elle n’est pas loing d’icy. Et je voudrois avoir assez d’esprit pour vous faire entendre ces tableaux, car l’histoire est bien digne d’estre sceue.

Ainsi qu’elle s’en approchoit, puor les luy expliquer, elle vid entrer Adamas qui estant de retour et ne trouvant point les nymphes dans le logis, jugea qu’elles estoient au promenoir, où apres avoir caché les habits qu’il portoit, il les vint trouver si à propos qu’il sembloit que la fortune le conduisit là, pour luy faire desduire les amours de ceste