Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/624

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ouy parler ! avez vous jamais veu personne qui luy ressemblast ? – Je n’en ay point de memoire, dit Lydias tout estonné. – Or je veus donc dire au roy une historie la plus digne de compassion qu’autre que l’amour ait jamais causée.

Et sur cela il repit la fin du discours où Lydias avoit raconté qu’il estoit allé en la grande Bretaigne, de la courtoisie qu’il trouva, auquel il adjousta descrettement l’amour de Melandre, les promesses qu’il luy avoit faictes de la conduire en Neustrie avec luy s’il estoit contraint de partir, de sa fuite et en fin de sa prison à Calais. Le pauvre Lydias estoit si estonné d’ouyr tant de particulairtez de sa vie, qi’il ne sçavoit que penser.

Mais quand Clidaman raconta la resolution de Melandre à se mettre en voyage, et s’habiller en homme pour advertir ses parens, et puis de de s’armer et entrer en champ clos contre Lypandas et les fortunes des ses deux combats, il n’a avoit celuy des escoutants qui ne demeurast ravy, et plus encores quand il paracheva touit ce que je vous ay raconté. – O Dieux ! S’escria Lydias est-il possible que mes yeux ayent esté si aveuglez ! Que me reste-il pour sortir de ceste obligation ? – Il ne vous reste plus, luy dit Clidaman, que de mettre pour elle ce qu’elle vous a condervé. – Cela, adjousta Lydias, avec un grand souspir, est ce me semble, peu de chose si l’entiere affection qu’elle me porte n’est accompagnée de la mienne.

Cependant qu’ils se tenoient tel discours, tous ceux qui ouyrent Clidaman, disoient que ceste seule fille meritoit que ceste grande armée allast attaquer Calais. – En verité, dit Meroüé, je lairray plustost toutes choses en arriere que je ne fasse rendre la liberté à dame si vertueuse ; aussi bien nos armes ne sçauroient estre mieux employées qu’au service des semblables.

Le soir estant venu, Lydias s’addressa à Clidaman, et luy descouvrit qu’il avoit une entreprise infaillible sur Calais qu’il avoit faitte durant le temps