Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

luy firent juger que c’estoit Amour. Et quoy qu’il fut confus en luy mesme, si est-ce que ce courage qu’il eut tousjours plus grand que ne requeroit pas le nom de berger, luy donna l’asseurance, apres les avoir saluées, de demander en quel lieu il estoit. A quoi Galathée respondit : Celadon, vous estes en lieu, où l’on fait dessein de vous guerir entierement. Nous sommes celles qui vous trouvans dans l’eau vous avons porté icy, où vous avez toute puissance. Alors Silvie s’avança : Et quoy  ! Celadon, dit-elle, est-il possible que vous ne me cognoissiés point ? vous ressouvient-il pas de m’avoir veue en vostre hameau ? – Je ne sçay, respondit Celadon, belle nymphe, si l’estat où je suis pourra excuser la foiblesse de ma memoire. – Comment, dit la nymphe, ne vous ressouvenez vous plus que la nymphe Silvie, et deux de ses compagnes allerent voir vos sacrifices et vos jeux, le jour que vous chommiez à la déesse Venus ? L’accident qui vous est arrivé, vous a-t’il fait oublier, qu’apres que vous eustes gagné à la lutte tous vos compagnons, Silvie fut celle qui vous donna pour prix un chapeau de fleurs, qu’incontinent vous mistes sur la teste à la bergere Astrée ? Je ne sçay pas si toutes ces choses sont effacées de vostre memoire, si sçay-je bien que quand vous portastes ma guirlande sur les beaux cheveux d’Astrée, chacun s’en estonna, à cause de l’inimitié qu’il y avoit entre vos deux familles, et particulierement entre Alcippe vostre pere, et Alcé pere d’Astrée. Et lors mesme j’en voulus sçavoir l’occasion, mais on me l’embrouilla de sorte, que je n’en peu sçavoir autre chose, sinon qu’Amarillis ayant esté aymée de ces deux bergers, et qu’entre les rivaux il y a tousjours peu d’amitié, ils vindrent plusieurs fois aux mains, jusques à ce qu’Amarillis eut espousé vostre pere, et qu’alors Alcé, et la sage