Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/77

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Dieu, changera-t-’il point quelques fois de dessein,
Et que je l’aye aux yeux, et qu’elle l’ait au sein ?

En ce temps-là, comme je vous ay dit, Alcé rechercheroit Amarillis, et parce que c’estoit un tres-honneste berger, et qui estoit tenu pour fort sage, le pere d’Amarillis penchoit plus à luy bailler, que non point à Alcippe, à cause de son courage turbulent. Et au contraire le bergere aimoit davantage mon pere, parce que son humeur estoit plus approchante de la sienne, ce que recognoissant bien le sage pere, et ne voulant user de violence ni d’authorité absolue envers elle, il eut opinion que l’éloignement la pourroit la divertir de ceste volonté ; et ainsi resolut de l’envoyer pour quelque temps vers Artemis, soeur d’Alcé, qui se tenoit sur les rives de la riviere d’Allier. Lorsqu’Amarillis sceut la deliberation de son pere, comme tousjours on s’efforce contre les choses defendues, elle prit resolution de ne partir point sans asseurer Alcippe de sa bonne volonté ; en ce dessein, elle luy escrivit tels mots :


Lettre d’Amarillis à Alcippe

Vostre opiniastreté a surpassé la mienne, mais la mienne aussi surmontera celle qui me contraint de vous advertir, que demain je pars, et qu’aujourd’huy si vous vous trouvez sur le chemin où nous nous rencontrasmes avant-hier, et que vostre amour se puisse contenter de paole, elle aura occasion de l’estre, et à Dieu.

Il seroit trop long, Madame, de vous dire tout ce qui se passa particulierement entr’eux, outre que l’estat où je me trouve, m’empesche de le pouvoir faire. Ce me sera donc assez en abbregeant, de vous dire qu’ils se rencontrent au mesme endroit, et que ce fut là le premier lieu où mon pere eut asseurance d’estre aimé