Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/79

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des lois du plus puissant,
Et l’honneur de tes bords loihg de toy ravissant,
T’oblige d’entreprendre une juste querelle ?

Contre ce ravisseur appelle à ton secours
Ceux qui pour son départrepandent tous les jours
Les larmes que tu vois inonder ton rivage.

Ose-le seulement, et nos yeux et nos coeurs
Verseront pour t’aider mille fleuves de pleurs,
Qui ne se trariront qu’en vengeant ton outrage.

Mais ne pouvant vivre sans la voir au mesme lieu, où il avoit tant accoustumé le bien de sa veue, il se resolut, comme que ce fust, de aprtir de là, et lors qu’il en cherchoit l’occasion, il s’en presenta une toute telle qu’il l’eust sceu desirer. Peu auparavant la mere d’Amasis estoit morte, et on se preparoit dans la grande ville de Marcilly de la recevoir comme nouvelle Dame, avec beaucoup de triomphe. Et parce que les preparatifs, que l’on y faisoit, y attiroient par curioaité presque tout le pays, mon pere fit en sorte qu’il obtint congé d’y aller. Et c’est de là d’où vint le commencement de tous ses travaux. Il avoit un demi siecle et quelques lunes, le visage beau entre tous ceux de ceste contrée, les chaevaeux blonds, annelés et crespez de la nature, qu’il portoit assez longs ; et bref, Madame, il estit tel que l’Amuor en voulut faire peut-estre queleue secrette vengeance. Et voicy comment : Il fut veu de quelque dame, et si secretement aimé d’elle, que jamais nous n’en avons peu sçavoir le nom. Au comencement qu’il arriva à Marcilly, il estoit vestu en berger, mais assez proprement, car son pere le cherissoit fort, et afin qu’il ne fist quelque folie, comme i avoit accoustumé en son hameau, il mit deux ou trois bergeres aupres, qui en avoient le soin, principalement un nommé Cleant, homme à qui l’humeur de mon pere plaisoit, de sorte qu’il l’aimoit comme s’il eust esté son fils. Ce