Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/28

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pour guerir le corps, c’est d’en commencer la cure par le cœur. Madonte, de son costé, qui, au rapport de chacun, et par l’experience, recogneut le profit que ce chevalier recevoit de son bon visage, estoit ordinairement auprés de luy, le comblant de toutes sortes d’honnestesfaveurs, et prevoyant qu’elle seroit contrainte de demeurer quelque temps en ce lieu pour donner loisir à la guerison de Damon, elle se resolut de changer d’habits, et de prendre celuy des nymphes, qui veritablement estoit tres-advantageux, pour n’estre point differente de toutes les autres; et parce aussi qu’elle cogneut que Damon en seroit bien aise, comme plus conforme à sa qualité. Et certes elle parut si belle en ses nouveaux habits, qu’elle fit bien paroistre qu’une grande beauté ne reçoit pas peu d’avantage de leur ageancement.

La nuict estant venue, d’autant que Galathée avoit commandé à Leonide de coucher dans sa chambre, lors qu’elle fut au lict, et qu’elle vid que toutes les autres estoient retirées, elle l’appella, et luy faisant prendre une bougie, comme voulant quelque service d’elle, la fit passer sous ses rideaux, où l’ayant contemplée quelque temps sans luy rien dire, en fin avec un œil sousriant: Et bien, Leonide, luy dit-elle, estes-vous tousjours en colere contre moy? – Contre vous, madame? respondit Leonide en luy baisant la main. Et pourquoy me faictes-vous cette demande, puis que si cela m’estoit advenu, je penserois avoir perdu l’entendement? Je vous supplie tres-