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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/314

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fis dessein de faire, comme on dit, d’une pierre deux coups, à sçavoir de me demesler de l’amitié de Dorinde, et d’obliger infiniment Periandre à moy. Deux ou trois jours s’estant donc escoulez qu’il ne me parloit qu’à mots interrompus de Dorinde, nous trouvant separez de toute compagnie, je luy tins ces propos : Il est impossible, Periandre, que l’amitié que je vous porte souffre que je sois cause plus longuement de la melancholie que je remarque en vostre visage. J’ayme trop mon frere pour luy voir passer une telle vie à mon occasion ; vous ne doutez point que je n’ayme Dorinde, mais vous devez encor estre moins en doute de l’affection que je vous porte. Et pour vous en rendre un tesmoignage qui ne sera pas petit, je vous remets cette Dorinde que ma bonne fortune vous avoit ostée, et veux bien qu’à ce coup l’amitié que je vous porte surmonte l’amour que j’ay pour elle. Recevez-la donc, Periandre, de ma part, et soyez certain que j’auray moins de regret de m’en separer, que de vous voir triste à mon occasion, ou bien d’estre privé de vostre presence.

Si jamais personne condamnée au supplice receut du contentement quand on luy apporte sa grace, vous devez croire que Periandre en eut oyant mes paroles ; et toutesfois sa discretion et l’amitié qu’il me portoit, luy firent au commencement refuser. Mais en