Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/35

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le devrois faire, mais que je ne l’ay encore peu obtenir sur moy. Et cely vient, gentil Paris, de ce que nous sommes hommes, c’est à dire nous ne sommes pas parfaicts, et que l’imperfection de l’humanité ne peut estre ostée tout à coup. Nous sommes bien raisonnables, mais aussi y a-t’il quelque chose qui contrarie à la raison, autrement il n’y auroit poinct de vices. Et c’est de ceste partie de laquelle que je n’ay peu encores obtenir ce poinct dont vous parlez, car les sens sont infiniment puissants en celuy qui ayme, et quoy que l’ame soit cele qui ayme, si est-ce qu’avec les beautez de l’ame, elle ayme aussi celles du corps. Et bien souvent, tout ainsi qu’avec les sens corporels, elle sent les choses corporelles et se plaist au goust, aux senseurs et aux attouchements, de mesme, ayant avec les mesmes sens, elle se plaist de voir, d’ouyr, et de toucher ce qu’elle ayme, ne pouvant faire divorce d’avec eux, et separer son plaisir du leur, leur faire semblamt que c’est leur faire tort de jouir seul de ces contentements, dont ils ont este les commencements. Et toutesfoiss si elle ne recherchoit que sa perfection, comme elle y est obligée par la raison, elle devroit rejetter bien loing ces considerations, puis que la nature nous a seulement donné les sens pour instruments, par lesquels nostre ame recevant les especes