Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’accompagnera toute ma vie de n’avoir sceu plustost recognoistre ton dessein. Que si je t’ay manqué d’amitié, j’advoue que tu es juste d’en faire de mesme ; mais, Thamire, reproche-le moy, dy moy en quoy j’ay failly ?

Ah ! cruel t dénaturé berger, tu es muet, et ne parles point ! est-ce de honte, ou de l’offence que tu m’as faite ? Ny l’un ny l’autre ne te sçauroit toucher à mon occasion, mais tu songes quelque nouvelle malice contre cette peu fine Celidée, à fin de saouler la mauvaise volonté que tu luy portes. Mais va, perfide et deloyal Thamire, et te ressouviens que tu as faict plus pour rnoy que tu ne penses ; car par cette action je suis hors de l’opinion que j’avois, d’estre aymée de toy, cognoissance qui me degageant de ta tyrannie, m’empeschera de me remettre jamais sous celle d’homme du monde. Et ne penses pas que je sois pour cela a Calidon, car desormais la mort me sera plus chere, que le plns aymable berger de cette contrée, et que ce souvenir te demeure en l’ame pour un regret eternel. Aussi ne te le dis-je qu’a ceste intention, et m’asseure que les dieux sont trop justes pour me refuser cette vengeance. En me voulant donner à Calidon, tu t’es privé à jamais de la plus vraye et plus entiere affection que jamais berger ait acquise, et de laquelle il ne faut plus que tu ayes esperance, sinon lorsque le feu universel en brulant