Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/102

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venue en cette contrée pour ce seul subject, vous pourrez vous en retourner quand vous voudrez, car les voilà toutes deux devant vous, dit-il, les luy monstrant.

Lors Daphnide s’avançant les salua encores une fois, et apres les avoir quelque temps considerées : II est vray, dit-elle, qu’en cecy la renommée est moindre que la verité, et qu’il est certain que vostre beaute surpasse ce que l’on en dit. – Madame, respondit Astrée en rougissant, les personnes qui vivent comme nous faisons, peuvent dire qu’elles sont au monde sans y estre ; car ne voyant que nos bois et nos pasturages, à peine peut la renommée se charger seulement de nos noms, tant s’en faut qu’elle en doive raconter quelque chose, et en son silence nous pensons luy estre infiniment favorisées, car ce nous est beaucoup de bon-heur, que ne pouvant rien dire de nous à nostre advantage, elle n’en die rien du tout. – Vous direz ce qu’il vous plaira, reprit Daphnide, mais puis que j’ay cognoissance de vos noms, si faut-il que la renommée me l’ait donnée, estant de sorte esloignée de vos demeures, que n’ayant jamais esté icy, je ne sçauroys les avoir appris que par elle. Et je voy maintenant qu’encores qu’elle parle fort avantageusement de vous, elle est toutesfois infiniment inferieure à la verité, et qu’en cela elle vous fait tort. – Madame, dit Diane, vostre courtoisie est celle qui nous donne cet advantage, et quoy que nous soyons presque hors