Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1043

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que dira-t’il, dit Leonide, sinon qu’il rira, et sera bien aise de vous voir passer le temps à quelque chose. Il sçait bien qu’il n’y a rien qui vous ait tant fait de mal que la tristesse, et que pour vous rendre et conserver la santé, il n’y a rien de plus necessaire que de vous plaire et de vous resjouyr. – Si je le croyois, reprit-elle, je serois bien aise de tromper aujourd’huy les yeux de ceux qui nous verront, aussi bien que je me suis mesprise en m’habillant ; car, encore qu’il y ait bien de la difference de nos robbes, si est-ce que, n’estant pas encore bien jour, je me suis jettée celle d’Astrée sur les espaules, pensant que ce fust la mienne, et lors que le jour a esté grand, et que je l’ay recogneue, j’ay voulu essayer si vous me mescognoistriez, et je ne fus de ma vie si empeschée que de me sçavoir approprier de cet habit inaccoustumé. – Je vous asseure, dit Astrée, qu’on ne jugeroit pas que ce fust la premiere fois que vous vous en fussiez habillée, ne se pouvant rien voir de mieux, soit pour la teste, soit pour le colet, et sans mentir, si personne ne le dit, l’on demeurera long-temps à vous recognoistre. Et quant à moy, je prendray un autre de mes habits, afin de faire mieux croire que vous soyez une nouvelle bergere. – Non, non, Astrée, il faut, respondit Diane, que vous preniez les habits de druide, autrement, que diroit-on qu’elle fust devenue ? – Nous dirons, respondit Leonide, que ma sœur se trouve un peu mal,