Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1055

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plus que vous ne pensez, car si elle suit l’opinion de Silvandre, pourquoy n’en aymera-t’elle la memoire aussi bien que Tircis celle de sa Cleon morte ? Mais ce n’est pas ce que je voulois dire : N’avez-vous jamais sceu combien de temps ce Celadon l’a recherchée ? – Quatre ou cinq ans, respondit Calidon. – Et bien ! mon amy, continua Hylas, que vous en semble ? S’il faut que vous la serviez autant de temps pour en estre aymé, ne sera-t’il pas temps que vous preniez les lunettes si vous la voulez bien voir ? – Je ne pense pas, dit le berger, qu’il y faille tant de temps à la gaigner ; mais quand cela seroit, encores ne serois-je pas reduit à ce que vous me dites. – Berger, berger, reprit Hylas, flattez-vous tant que vous voudrez, mais souvenez-vous qu’il n’y a rien de plus asseuré que l’experience, et ce que vous avez veu arriver une fois, croyez, si vous estes sage, qu’elle peut bien estre encore une autre. Vous dictes qu’elle n’est point preoccupée, c’est ce qui me fait juger plus mal de vos affaires, car les filles que nous sçavons qui ayment, peuvent estre gaignées et attirées à nous aymer, mais ces insensibles ne sont pas seulement capables de sçavoir ce qui doit estre aimé.

Calidon, importuné des difficultez qu’Hylas luy rapportoit, et luy semblant que ses raisons estoient assez fortes : Je vous asseure, dit-il, Hylas, que j’avois bien faute de consolations que vous me donnez, et que c’a bien esté ma bonne fortune