Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/109

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jamais voir à moy, que je ne te le commande.

La nymphe, qui vid bien que si ce discours passoit plus outre, il ne pouvoit que donner beaucoup d’inquietude au berger, pour ne le continuer davantage, elle luy respondit : II ne faut plus, Alexis, vous remettre devant les yeux ces considerations ; la pierre en est jettée, il n’est plus temps de demander conseil. Si vous devez voir Astrée, les choses sont en tel estat, que de necessité il faut passer plus outre ; mais voicy bien l’heure que vous devez monstrer que vous estes homme, et que vous venez de cet Alcipe, de qui le courage a tant esté estimé de chacun. Il faut, dis-je, que changeant de visage et de façon, vous receviez Astrée sans vous estonner, et qu’à son abord vous ayez tant de puissance sur vous-mesme, que personne ne s’apercoive de ce que vous voulez tenir caché. Car il faut que vous sçachiez que les premieres impressions sont celles qui durent le plus long-temps, et sur lesquelles on fait un plus seur jugement ; et pour ce resolvez-vous à vous déguiser de sorte, que ceux que vostre habit abusera, ne puissent estre détrompez par vos actions : – Ha ! madame, dit Alexis, que ceux qui sont sains donnent aisément conseil aux malades ! – Ne voilà pas desja une faute ? reprit Leonide, pourquoy ne m’appelez vous vostre sœur, et non pas madame ? Puis que vous sçavez bien que, comme Adamas veut que j’appelle Paris mon frere, de mesme,