Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1090

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que des peines et des tourments.

Or voyez à quoy le despit peut porter le cœur d’une fille, pour sage qu’elle soit ! Diane, comme si elle eust voulu se venger de Silvandre par son propre dommage : Je vous estime tant, luy dit-elle, et j’ay vostre vie si chere, qu’il y a fort peu de choses que je ne fasse pour la vous conserver. Dites-moy, en la qualité que vous voulez, quel est le contentement que vous desirez de moy ? – Que vous me permettiez, repliqua Paris, en luy baisant la main, de vous demander à vos parens pour ma femme, comme celle que je veux aymer et honorer toute ma vie, et à qui vous voulez que je m’adresse. – Bellinde, respondit Diane, c’est ma mere, et c’est la seule qui peut disposer de moy, et je vous donne toute la permission que vous en desirez.

Diane dit promptement et briefvement ce peu de mots, imitant en cela ceux qui prennent une medecine qui se hastent le plus qu’ils peuvent de l’avaler, car jamais elle ne dit parole plus à contre-cœur, ny en laquelle elle se fit plus de force. Mais pour faire desplaisir à Silvandre, elle voulut bien se priver à jamais de toute sorte de contentement, tant la passion occupe les forces de l’entendement, et les empesche de discerner ce qui se doit faire, puis que si cette bergere eust bien pensé à ce qu’elle permettoit, jamais elle n’y eust consenty, car si Silvandre ne l’aymoit point, elle ne luy faisoit point de desplaisir de se donner à un