Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1105

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de combattre armé contre un qui ne l’estoit point, il le blessa de deux ou trois grandes playes dans le corps, non pas que le berger ne se deffendist, et fort genereusement, et avec beaucoup d’addresse, mais tous les coups desquels l’autre le frappoit, l’espée qui ne trouvoit point de resistance luy faisoit de tres-grandes blessures.

Damon cependant n’ayant plus affaire qu’à un chevalier, encore qu’il fust blessé en deux ou trois lieux dans les cuisses, si l’eust-il bien tost mis sous luy, et à mesme temps luy enfonçant un petit poignard dans les ouvertures de la visiere qui estoit à demy rompue, il l’estendit mort en terre, et soudain s’encourut vers le berger qui l’avoit secouru. Mais, parce que son heaume, ayant les courroyes toutes rompues, de force de s’estre debatu en terre, luy estoit tourné en la teste, et l’empeschoit de bien voir, de peur de perdre trop de temps à se le raccommoder, il l’osta du tout, et s’encourut la teste toute nue vers ce soldurier, qui alors mesme avoit donné un si grand coup au berger, qu’il alloit chancelant pour tomber. Mais Damon qui arrivoit ainsi qu’il se démarchoit pour le poursuivre, luy donna si à propos entre la teste, et les espaules, qu’il la luy separa du corps, et à mesme temps le pauvre berger ayant veu faire sa vengeance, tomba de son long en terre presque mort. La bergere accourut incontinent vers luy, et se jettant en terre le mit sur son giron tout sanglant, si pleine de desplaisir de le voir en cet estat, qu’elle eust