Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1109

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erreurs, sçachant bien que je n’ay jamais eu qu’une volonté si entiere et pure pour vostre service, qu’il est impossible que j’aye esté si malheureux que d’y avoir manqué, et parce que la conscience sert de mille tesmoings, je l’ay si nette de toute mauvaise intention, que si j’eusse receu cette grace de vous remettre avant ma mort, en lieu asseuré, je m’en irois avec toute sorte de contentement en l’autre vie.

Le chevalier estoit accouru vers le berger pour l’assister, mais d’abord qu’il jetta les yeux sur luy, et qu’il vit son visage, il demeura si ravy d’estonnement, que sans bouger d’une place, il s’arresta un long temps immobile à le considerer. Que si sa bergere n’eust eu la teste baissée, et qu’il l’eust peu voir, sans doute son admiration eust encore estée plus grande, mais elle se panchoit toute sur le visage du berger, tant pour ne luy donner la peine de tourner les yeux vers elle, que pour mieux ouyr ce qu’il luy disoit. Il luy sembloit bien de cognoistre ce visage, et en quelque sorte le ton de cette voix ; mais les habits dont ce berger estoit revestu, et les pasleurs mortelles, dont ses profondes blesseures le ternissoient, le mettoient en doute que ses yeux et ses oreilles ne le trompassent. Cependant qu’il estoit en cet estat, Halladin s’estoit approché de luy pour luy bander quelques playes desquelles il voyoit couler le sang, mais il estoit tant attentif à considerer