Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/111

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trop de cognoissance de ce qu’elle estoit. Et lors qu’ils estoient plus avant en discours, on les vint advertir que toute cette trouppe estoit desja dans la basse cour du chasteau. Alexis changea toute de couleur, et les jambes luy tremblerent de sorte qu’elle fut contrainte de s’asseoir. Leonide qui s’en prit garde, afin de mieux couvrir leur dessein, dit à Adamas, qu’il seroit à propos de fermer les vanteaux des fenestres, et ne laisser que fort peu de clarté dans la sale, afin que l’on s’apperceust moins des changemens du visage d’Alexis, et que cet artifice seroit encore à propos pour empescher que la grande chaleur n’entrast si fort dans le logis. Le druide qui trouva cet advis fort bon, le commanda à ceux qui l’estoient venu advertir de l’arrivée des bergeres.

Mais s’ils estoient bien empeschez de leur costé, Astrée ne l’estoit gueres moins du sien, à qui le cœur battoit de sorte qu’elle en estoit elle-mesme toute estonnée. Ce qui la contraignit, s’approchant de Phillis, de luy dire à l’oreille : Je vous prie, ma sœur, trouvez quelque excuse pour nous faire un peu arrester icy, car j’advoue que l’esperance que j’ay de voir en Alexis le visage de Celadon, me met si fort hors de moy que je crains, si je n’ay le loisir de me rasseurer un peu, de donner trop de cognoissance de ce que je desire de cacher à chacun, mais particulierement à ces estrangers. Phillis qui estoit advisée, s’approchant de Daphnide :