Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1113

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afin que la perte de sang ne soit cause de nous en priver apres un si grand hazard. - Comment, dit Alcidon, escuyer mon amy, est-ce icy le vaillant Damon d’Aquitaine ? - C’est luy-mesme, respondit l’escuyer, qui aprés tant de loingtains voyages, semble s’estre venu entrer en ceste contrée, où il a plus respandu de sang en huict jours qu'il y est, qu’il n’a fait en tant d’années, par tous les autres lieux où il s’est trouvé. - Mon pere, dit alors Alcidon, je vous conjure de secourir ce chevalier, vous asseurant qu’il n’y en a point un meilleur, ny un plus accomply en toute l’Aquitaine : Et lors mettant un genouil en terre, et Hermante de l’autre costé, il le commença à desarmer sans qu’il en sentit rien.

Quant à Madonte, apres avoir demeuré quelque temps en son esvanouyssement, en fin elle revint, et ouvrant les yeux, et voyant chacun empesché autour de Damon, elle pensa qu’il fust mort des blessures qu’il avoit receues en ce combat. O Dieu ! s’escria-t’elle, se destournant les mains, et se les frappant à grands coups. O Dieu ! falloit-il que je te retrouvasse pour te reperdre si tost ? et falloit-il que je te revisse pour ne te revoir jamais plus ? Miserable Madonte : et quelle fortune t’attend desormais, puis que les biens que tu recois ne te sont donnez que pour t’en faire mieux ressentir la prompte perte ? O Ciel ! qu’est-ce que tu reserves