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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1115

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Damon, et qu’est-ce que tu me dis de courage ? penses-tu que celuy en puisse avoir faute, qui en a eu assez pour aymer les perfections de Madonte ? mais où est-elle ? et qui est-ce qui me cache ce beau visage ? est-elle point encores aupres de Tersandre ? - Tersandre, respondit l’escuyer, est mort en vous sauvant la vie, et par là vous voyez combien l’Oracle est veritable, et combien vous devez vous resjouyr, puis qu’il semble que vous soyez parvenu à la fin de vos peines. - Jamais, dit-il, ce que je souffriray pour un si grand subjet n’aura ce nom de peine que tu luy donnes. Mais, Halladin, aide moy à me relever afin que je voye si ce que tu me dis est vray.

Madonte qui avoit ouy tout ce que Damon avoit dit, reprenant ses esprits, et joyeuse de le voir en meilleure santé qu’elle n’avoit pensé, se relevant à toute force, s’en courut vers luy, où arrivant, sans regarder en la presence de qui elle estoit, elle s’abouche sur luy, et sans pouvoir de quelque temps former une parole. En fin retirée par Halladin, qui craignoit que ces trop grandes caresses ne fissent mal à son maistre, et s’assiant en terre aupres de luy les bras croisez, et le considerant d’un œil plein d’admiration : Est-il bien possible, luy dit-elle, que le Ciel m’ait reservée à ce contentement de te voir, Damon, encore une fois ? Est-il possible que ce chevalier du Tygre qui me vint oster d’entre les mains de la perfide Leriane, soit ce Damon à qui elle avoit malicieusement