Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1164

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pas si tost jetté, qu’elle se repentit de sa promptitude, voyant combien ce jeune prince estoit demeuré estonné. Et pour couvrir en quelque sorte sa faute : Mon Dieu ! dit-elle, seigneur, il estoit si mal fait, que j’avois honte que l’on me vist si laide. - Silviane, respondit Childeric, vous m’avez grandement offencé, et je ne sçay avec quelle patience je le souffre. - Seigneur, respondit-elle en rougissant, j’en serois extremement marrie, car c’est la verité qu’il estoit si mal faict que j’aymerois autant la mort, que de me laisser voir ainsi.

Le despit alors et l’amour eurent un grand debat dans le cœur offencé de ce prince. En fin l’amour estant le plus fort : Je verray bien, dit-il, si c’est pour l’occasion que vous me dites, ou si la haine, ou le mespris le vous a fait faire. Car si ce que vous dites est vray, et que ce ne soit pas une excuse, vous permettrez qu’un autre peintre vous peigne tout à loisir, afin qu’il rencontre mieux que le premier n’a peu faire qui avoit desrobé ce portraict sans que vous l’ayez sceu : Que si vous refusez ce que je demande, je croiray avec raison que c’est pour m’offencer ; et que vous mesprisez un prince qui ne l’a jamais esté de personne que de vous. La jeune Silviane qui craignoit d’estre tancée de la gouvernante et de ses parens, fut contrainte d’accorder ce que Childeric luy demanda, avec