Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1166

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Que nul qu’Amour ne doit oser peindre
sa Maistresse.

Que tu fus temeraire, ô toy dont le pinceau
Osa bien desseigner les traicts de ce visage !
Ton art peut seulement en un hardy tableau
Imiter la nature, et non pas davantage.

Mais, peintre, ne vois-tu qu’un si parfait ouvrage
Est mesme en la nature un miracle nouveau :
Et comment penses-tu d’en bien faire l’image,
Ne pouvant elle-mesme en refaire un si beau ?

Que ton art cede donc où cede la nature,
Et ne te va plaignant que l’on t’ait fait injure,
En bruslant ce crayon par trop ambitieux.

Pour un si haut dessein foible est la main d’Apelle
Nul ne le doit oser, et fut-il l’un des dieux,
Qu’Amour qui dans le cœur me l’a peinte si belle.

Si ce pourtraict ne servit à autre chose, il fut cause pour le moins que ce jeune prince fit sçavoir à la belle Silviane quelle estoit son affection envers elle ; car ceste belle fille ne peut