Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/117

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venir Astrée vers elle pour la baiser ? Mais en fin, ô Amour ! en quel estat les mis-tu toutes deux quand elles se baiserent ? La bergere devint rouge comme si elle eust eu du feu au visage, et Alexis, transportée de contentement, se mit à trembler comme si un grand accez de fievre l’eust saisie. Hylas qui avoit remarqué de quel courage sa maistresse avoit salué cette bergere, en devint si jaloux, qu’il ne peut souffrir qu’elle la tint plus long-temps en ses bras, et cette jalousie fut cause qu’il les separa, et que Diane eut le loisir d’entrer en la place d’Astrée, et apres elle Phillis, et puis le reste de la troupe.

Mais Adamas qui desiroit de couvrir le plus qu’il luy estoit possible les changemens de visage, et les troubles de l’esprit de sa fille, apres que les premieres salutations furent faites, et que confusément toute la trouppe fut entrée dans la salle, il mit Alexis au lieu le plus obscur, et lorsqu’il voulut les faire asseoir, il fit semblant de prendre garde à Daphnide, et à toute sa suite, et pource s’adressant à Thamire, il luy demanda fort haut, qui estoient ces belles estrangeres. Hylas, luy dit-il, mon pere, vous en dira plus de nouvelles que moy, s’il vous plaist de prendre la peine de luy en demander, car je ne puis vous en dire autre chose, sinon que les ayant rencontrées en venant icy, il nous a dit qu’elles estoient principales dames de la province des Galloligures.