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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1231

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nous commanda d’obeyr à Lindamor comme à sa propre personne, et sur tout de vous servir, madame, et la nymphe Galathée, avec toute la fidelité de vrays chevaliers, et qu’il s’asseuroit que nous recevrions de vous, la recompense des services que nous luy avons rendus.

Il sembloit qu’il voulust dire encore quelque chose, mais une foiblesse le prit, qui luy ravit en fin la vie, demeurant pasle et froid entre les bras de Lindamor, qui le voyant en tel estat, de douleur tomba esvanouy de l’autre costé. Je ne scaurois vous redire les pleurs et les gemissemens que nous fismes, et tous ceux de la Cour aussi, quand ils sceurent sa mort. Mais ce qui fut une grande preuve de sa preud’hommie : le peuple mesme de la ville, qui estant esmeu est ordinairement sans respect et sans amour, l’oyant dire, le plaignit, et en chantoit à haute voix la louange, criant que c’estoit grand dommage de la mort de ce prince tant amy de leur nation et de leur couronne, et d’autant plus qu’ils sçavoient bien tous qu’il n’avoit jamais consenty aux violences et tyrannies de Childeric.

Il ne faut point douter que les plaintes et les regrets n’eussent duré encore d’avantage, sans l’eminent peril où nous nous trouvasmes incontinent apres, mais l’apprehension de la mort qui se presentoit