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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/130

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partie du bien qu’ils ont possedé, ressentent plus de desplaisir, que s’ils avoient esté tousjours mal-heureux. – Il est vray, dit Alexis, mais en vostre vie champestre et retirée, je ne croy pas que vous soyez gueres subjetes à ces coups de fortune. – Nous ne le sommes pas tant, dit Astrée, que celles qui vivent dans les Cours, et dans le maniment du monde ; mais tout ainsi que les lacs, encor qu’ils soient moins spacieux que la mer, ne laissent d’avoir leurs orages, et leurs tempestes, de mesme est-il de nous, car nous avons aussi nos infortunes et nos mal-heurs. Et je sçaurois bien qu’en dire, ayant depuis peu perdu presque en mesme jour, et mon pere et ma mere, perte qui m’a de sorte affligée que je ne pense pas de long-temps m’en pouvoir remettre. – Et y a-t-il long-temps, respondit Alexis, car il me semble d’en avoir ouy parler ? – Il y a environ quatre ou cinq lunes, dict la bergere, jour qui me sera à jamais deplorable. Et à ce mot, elle fit un grand souspir. – II est bien ennuyeux, dit Alexis, de perdre ceux à qui on est obligé de porter tant d’affection ; si n’y a-t-il rien de si naturel que de voir mourir le pere avant les enfans. Encor vous doit-ce estre une grande consolation qu’ils vous ayent laissée en aage de vous sçavoir conduire. – Une des choses, dit Astrée, qui m’a aussi vivement touchée, en leur mort, c’est que presque j’en suis la cause. –Il est certain, dit Alexis, que vous