Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/148

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que la prudence humaine estoit contrainte d’advouer qu’elle estoit aveugle au prix de la sienne. Lors Daphnide, s’asseant aupres d’Adamas, et le reste de la compagnie, elle prit la parole de cette sorte :


Histoire d’Euric, Daphnide et Alcidon

Je sçay bien, mon pere, que le grand Tautates fait toutes choses pour nostre mieux, car nous aymant comme l’œuvre de ses mains, il n’y a pas apparence qu’il deffaille d’amitié envers nous. Mais si me permettrez-vous de dire que, tout ainsi que les medecines que l'on fait prendre au malade pour sa santé ne laissent d’estre ameres et difficiles à avaler, de mesme ces coups que nous recevons de la main du grand Dieu, encore qu’ils soyent pour nostre bien, ne laissent d’estre bien pesans à qui les reçoit, et que celui qui se plaint de ce que Dieu ordonne, manque veritablement à ce qu’il doit ; mais que celui qui gemit et se deult de l’aigreur des coups, ne fait que payer les tributs de sa foiblesse et de son humanité. J’advoue que les biens que j’ay reçus de sa main sont sans nombre, et que les faveurs surpassent de beaucoup les adversités que j’ai