Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/168

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s’en servir, jamais plus ; ou pour le moins fort rarement, se peut-elle recouvrer. Apres ces conseils d’amour et plusieurs autres qu’il seroit trop long à raconter, il me donna congé de partir.

Le chasteau de Lers, où Daphnide avoit choisi le lieu de nostre entreveue estoit situe sur le bord de ce grand fleuve du Rosne, dans le Venaissin. Et à la verité, ç’avoit esté avec beaucoup de jugement que cette belle dame avoit fait cette eslection, parce que le seigneur de ce lieu-là estoit serviteur et officier du roy Euric, et le servoit en son armée en ce qui concernoit les machines de guerre, ayant commandement sur les catapultes, beliers et janclides et autres tels instrumens, et de plus estoit mon amy fort particulier. La femme de ce chevalier estoit, en quelque sorte, parente de Daphnide, si bien qu’il estoit presque impossible de choisir un lieu plus commode, n’y ayant qu’un seul mal : que, pour y aller de nostre armée, il falloit faire dix ou douze grandes lieues, et tousjours dans le pays de l’ennemy. Et quoique le peril fust grand, si est-ce qu’Amour, qui me commandoit ce voyage, me fit clorre les yeux à tous les dangers que je pourrois courre pour luy obeyr.

Je prends donc avec moy celuy qui m’avoit apporté la response de cette belle dame, tant pour l’asseurance que j’avois en luy que pour me servir de guide, parce qu’il sçavoit fort bien tous