Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/194

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le bien qu’elle avoit commencé de me faire : Je le veux, me dit-elle, en me prenant par la main ; aussi sçavez-vous bien que c’est l’ordinaire de la lune, de qui je porte le nom, d’esclairer la nuict et servir de guide à ceux qui sont égarez. – Quoy qui m’en puisse advenir, luy dis-je, je vous suis obligé de la vie, encores que je craigne fort que ceste obligation ne me soit bien cher vendue, puisque vous m’allez remettre entre les mains de celle de qui la beauté fait mourir tous ceux qui la voyent, outre qu’estant si accoustumée de voir languir et mourir, il y a grande apparence qu’elle n’aura pas beaucoup de compassion de ma peine. – Ceux, dit-elle, que je prends en ma protection, ne sont jamais si mal traitez, et soyez certain que, si cela eust deu estre, ce n’eust pas esté moy qui vous eust ouvert la porte, car je ne conduiray jamais personne au supplice. Et quant à ce que vous dites de sa beauté, qui fait mourir ceux qui la voyent, n’ayez peur, chevalier, de ceste fortune. Vos armes sont bonnes et bien esprouvées, car ceux qui doivent perdre la vie pour voir quelque chose de beau, meurent tous quand ils me voyent, si bien que vous, n’estant point mort lorsque vous m’avez veue, ne craignez plus de le faire pour quelque autre beauté que ce soit.

Nous allions parlant de ceste sorte, et d’une voix assez basse, lorsque nous arrivasmes au corps