Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le temps me duroit fort qu’il ne fust finy, parce qu’il me sembloit que c’estoit autant me desrober de temps que je pouvois bien mieux employer. Quand il pleut à Dieu, ce bal s’acheva, et quand il fut achevé, il commanda à toute l’assemblée de se retirer. Delie demeura seule dans la chambre avec sa sœur, et lors le prisonnier d’amour sortit de sa prison, et non point sans dire des injures à Delie, de ce que leur representation avoit esté si longue.

Voyez, dit-elle, comme vous estes de mauvaise compagnie ! De tant de chevaliers qu’il y avoit icy, je m’asseure que vous estiez le seul qui s’y faschast. Mais, ma sœur, puisque il est si difficile, je vous conseille de le chasser de céans ; car comment pouvez-vous esperer de le contenter vous seule, puisque toutes ensemble, nous ne l’avons peu faire ? – Ma sœur, dit Daphnide froidement, toutes les choses qui sont au monde ne nous sçauroient contenter, si ce contentement ne vient de nous-mesmes, comme toutes les drogues de tous les mires de l’univers ne sçauroient guerir un corps, si le corps, par sa propre vertu, n’en retire sa guerison. C’est pourquoy il faut qu’Alcidon, s’il veut estre content, se vueille contenter soy-mesme, et non pas esperer que le grand nombre de personnes le puisse faire. – Madame, luy respondis-je, si j’avois en ma puissance la volonté, comme les autres hommes, je pourrois