Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/224

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n’en dis rien, parce que vous les avez ouyes, et outre cela, ce n’est qu’une suite de la premiere offence. – Mais, dit Delie, comment entendez-vous qu’elle vous ait offencé, puisque, selon ce que vous advouez, c’est vous qui avez fait la premiere faute ? Car, chevalier, respondez-moy : ne vous dites-vous pas amant de cette belle dame ? – Ouy, luy respondis-je, et avec tant de verité que, quand je cesseray de l’aimer, je cesseray de vivre. – Or, reprit Delie, ne sçavez-vous pas qu’une des principales lois d’amour, c’est que l’amant obeysse aux commandemens de la personne aimée ? – Ouy, luy respondis-je, pourveu que ses commandemens ne soient point contraires à son affection, comme si elle commandoit de n’estre point aimée, elle ne devroit pas estre obeye. – Vous avez raison, reprit Delie, car toute chose naturellement fuit ce qui la destruit. Mais comment pouvez-vous vous excuser de n’avoir failly à ce precepte d’amour en cette occasion, où vous avez non seulement trouvé dure l’ordonnance qu’elle vous faisoit de l’aimer, mais de plus avez protesté de luy desobeyr ? – Mon juge, luy respondis-je, je ne l’ai pas seulement protesté mais je le proteste encore, et avec une telle resolution, que si j’avois à mourir et à remourir autant de fois que j’ai vescu de jours, depuis l’heure de ma naissance, je l’eslirois plustost que de faire autrement. – Oyez, dit alors Daphnide toute en colere, oyez