Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/234

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ce rocher qui est à main gauche ? Je vous asseure que bien souvent elle fait sauter ses eaux jusques là, et que ses bouillons s’eslevent avec une telle furie et avec un si grand bruit qu’il n’y a tempeste de mer qui l’égale. – Et n’en sçait-on point la cause, luy dis-je ? – Non, me respondit-il, car quelquefois elle entre en ceste furie lors que le temps est le plus beau. Et, en effet, vous voyez qu’à ceste heure qu’il pleut, elle est aussi calme que les autres sources. – II faut, repliquay-je, que cela vienne de quelques vents enfermez, qui font cet effort pour sortir.

Cependant que nous parlions ainsi, la pluye se renforça, et parce que je rencontray la concavité d’un rocher sous lequel on pouvoit estre à couvert, je luy dis que j’estois d’avis qu’il allast chercher ceux qui m’attendoient, car je ne pouvois plus aller à pied, et que, cependant que je me reposerois, la pluye peut-estre passeroit, et qu’apres, la lune venant à esclairer, elle nous aideroit à trouver le chemin.

Or, mon pere, je vous raconte cecy, non pas pour servir à nostre discours, mais seulement pour vous dire une avanture estrange, et que peut-estre jugerez-vous telle quand vous l’aurez ouye. Lorsque celuy qui me guidoit fut party pour faire ce que je luy avois commandé, et que je me vis seul sous ce rocher sauvage, Amour, qui eut pitié de moy, ne voulut pas que longuement je fusse sans luy. Aussi n’y avoit-il pas apparence