Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/287

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bien tost guery. - Ah Daphnide ! me dit-il avec un grand souspir, je voy bien que, s’il est ainsi, vous avez plus de soucy de ce qui le merite le moins. Car s’il y a quelque chose en moy qui puisse estre recommandable, c’est cette ame avec laquelle je ne vous ay pas seulement aimée, mais adorée d’une si pure et entiere affection, que je ne croy pas qu’autre que vous la puisse jamais mespriser.

- Cette response, repris-je, est un tesmoignage de vostre mal. Mais ayez seulement le soucy que vous devez avoir de la guerison du corps, et vous verrez que, pour l’ame, le mal n’en est pas mortel, si pour le moins il vous est encore resté quelque peu de raison. - Je sçay me respondit-il, que le mal n’en est pas mortel, car, s’il l’estoit, il y auroit quelque esperance de le voir finir un jour ; et je suis tres-asseuré qu’il durera autan que mon ame (que nos druides m’ont enseigné estre immortelle), mais si est bien celuy du corps, puisque, s’il ne s’augmente comme je desire, j’avanceray de mes propres mains le terme de ma vie, afin de n’avoir plus des yeux d’amour pour voir une personne qui en a si peu dans l’ame. - Je voy bien, repliquay-je, que vous estes blessé, et que vostre plus grand mal gist en l’opinion. Vous croyez que la recherche du grand Euric a eu tant de pouvoir sur moy qu’elle m’a fait effacer l’affection que je vous ay promise. N’est-ce pas là vostre mal, Alcidon, vous semblant d’avoir une tres-juste occasion de vous douloir de moy et de vostre