Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/317

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retirer pour semblable affaire. De fortune, le brouillart qu’il avoit fait demeura sur la table, que le pauvre malade serra dans une layette, où il avoit accoustumé de mettre semblables papiers, sans autre dessein que de ne vouloir pas qu’il fust veu.

Alcyre, cependant, prend de la soye, et, estant hors de la presence d’Amintor, cachette cette lettre et y met un chiffre dessus, et puis s’en va trouver Clarinte, prenant l’heure qu’il pensa la pouvoir trouver plus seule. Deux jours estoient desjà passez depuis la derniere fois qu’elle avoit visité Amintor et qu’elle en estoit revenue si mal satisfaite. Toutesfois, encor qu’elle desirast beaucoup de sçavoir pourquoy Amintor luy avoit parlé de cette sorte, si est-ce qu’elle n’avoit osé y retourner si promptement, de peur de donner sujet aux médisans de mal parler d’elle. Et maintenant, voyant Alcyre, et sçachant la familiarité qui estoit entre eux, encore qu’elle ne fust pas ignorante qu’il l’aimoit aussi bien qu’Amintor, si ne peut-elle s’empescher de luy demander comme se portoit son malade.

Alcyre, faisant semblant de ne sçavoir point que son compagnon la servist, luy respondit si froidement : Je croy, madame, qu’il se portera bien, estant depuis peu devenu si joyeux qu’il n’y a pas apparence qu’il tienne longuement la chambre, puisque les medecins disent que son mal ne procede que d’une grande tristesse. - Je croy, respondit Clarinte, que les medecins