Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/321

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venger en autre chose, je ne veux pas qu’elle ait le contentement de lire cette lettre. Et en mesme temps, pressée du despit, la rompit en diverses pieces.

Alcyre feignit d’en estre bien marry et de l’en vouloir empescher, encor que ce fust son moindre soucy. En fin, voyant qu’il n’y avoit plus de remede, il fit semblant de se consoler : Je diray, continua-t’il, qu’en tirant mon mouchoir, elle est tombée dans le feu, où elle a esté plustost bruslée que je n’y ay pris garde, et, s’il veut, il en refera une autre.

Se pouvoit-il user avec plus de finesse pour rompre une amitié des deux costez, qu’Alcyre en cette occasion en inventa ? Aussi fit-il un si grand coup en l’un et en l’autre, que Clarinte, abusée de cette lettre, et Amintor, deceu de ce qu’il pensoit avoir bien veu, estoient si mal satisfaicts l’un de l’autre, qu’ils n’attendoient plus que l’occasion de se voir pour venir aux extremes reproches ; qui fut cause que Clarinte n’alla plus voir Amintor, et qu’Amintor laissa escouler plusieurs jours, contre sa coustume, sans l’envoyer visiter, ce qui ne faisoit que les affermir davantage en l’opinion qu’Alcyre leur avoit fait concevoir.

Or voyez, mon pere, combien la fortune, quand elle veut, prepare le chemin aisément à celuy qui luy plaist qui parvienne à la fin de ses desseins. J’ay esté contrainte de vous dire un peu au long les finesses