Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/323

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venant à mourir et Thierry luy succedant, vous le suivistes en ses voyages, et qu’au siege d’une ville, vous vistes cette belle dame, de laquelle vous eussiez davantage continué le service, si Thierry mesme ne fust mort presque aussi tost qu’il fut roy. Et depuis vous en fustes distrait par le grand Euric, qui vous occupa de telle sorte en ses diverses entreprises, que vous oubliastes aussi bien Clarinte, qu’auparavant vous aviez eu peu de memoire pour moy. Et vous contentez, Alcidon, que, si je voulois, je vous raconterois non seulement le commencement et le progrez de cette affection, mais peut-estre encores tant de particularitez de vostre vie, que vous vous en estonneriez.

Je dis cecy, sage Adamas, non pour luy reprocher son inconstance, car je sçay bien que son aage ne luy permettoit pas alors d’estre plus constant, et que je ne l’avois point obligé d’avoir plus de fidelité pour moy ; mais je le dis seulement pour vous faire entendre qu’il eut beaucoup moins de peine à faire cognoistre sa bonne volonté à cette belle dame. - Je ne nieray pas, interrompit Alcidon, que, du temps que vous dites, je n’aye veu Clarinte, et que sa beauté ne m’ait ravy, par une rencontre fort inesperée. Car, au siege d’une ville, quelque intermission ayant esté faite des armes, je m’approchay de la muraille, où le roy m’envoyoit pour faire retirer les soldats qui s’en approchoient trop. Je vis cette belle dame sur les creneaux,