Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/401

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Phillis qui ne pouvoit souffrir que Hylas s’en allast sans responce : II me semble, dit-elle, Silvandre, que vous et moy avons grande raison de respondre à cet inconstant berger, puis que c’est en la presence de nostre maistresse qu’il ose parler de ceste sorte ; outre qu’en quelque lieu qu’un vray amant entende parler tant au desadvantage de la fidelité, je croy qu’il est obligé de la deffendre, – Vous avez raison, mon ennemie, respondit Silvandre ; et je l’aurois desja fait si je n’eusse eu crainte d’estre blasmé d’indiscretion en l’interrompant. Mais si Hylas veut redire les mesmes vers que nous avons ouys, j’essayeray de luy respondre couplet par couplet. – Il me seroit mal-aysé, adjousta Hylas, et peut-estre peu agreable à ceste compagnie, de rechanter les vers que je viens de dire ; mais afin que tu n’ayes point d’excuse, Silvandre, en voicy d’autres qui ne sont point plus desagreables.

Et lors retastant la harpe, il voulut commencer quand Silvandre luy fit signe qu’il attendist un peu ; et tirant, de son costé, sa musette, en accommoda les anches et le pipeau, et apres l’avoir enflée et adjustée à sa voix : Me voicy prest, dit-il, Hylas, de combattre si tu n’as perdu le courage. Ne laissons point escouler le temps inutilement, car quant à moy, qui ay la raison de mon costé, je suis grandement hardy. – Et moy, dit Hylas, comme le genereux lyon desdaigne les autres animaux, qui sont trop inferieurs à sa force, de mesme c’est à contre-cœur que je