Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/437

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cet esprit en l’amitié qu’il me devrait, n’ayant pas si mauvaise opinion de moy-mesme que, pour peu que je m’y voulusse estudier, je ne me peusse asseurer de luy. Il y a bien une chose qui m’en retire davantage. Mais madame, vous l’oserois-je bien dire ? ou si je vous le dis, quelle opinion aurez-vous de voir que je vous parle si familierement de mes petites affaires ?

Alexis alors, en lui resserrant la main : Si vous sçaviez, dit-elle, quelle est l’amitié que je vous porte, vous n’useriez point de ces paroles avec moy qui ne désire de sçavoir vos affaires et vos intentions que pour essayer, de vous servir, soit par mon propre moyen, soit par celuy d’Adamas, si vous le trouvez à propos. – L’honneur que vous me faites de m’aymer, reprit Astrée, est véritablement, madame, le bon-heur que j’ay recogneu pour moy depuis quatre ou cinq lunes ; aussi le tiens-je si cher que j’aymerois mieux perdre la vie que d’en estre privée. Mais pour l’offre que vous me faites d’Adamas, je vous supplie de ne luy en point parler, parce que je ne le veux employer en chose de si peu d’importance, et de laquelle je viendray bien à bout, m’asseurant de faire que Calidon mesme s’en déportera. – Dieu le vueille, dit Alexis, mais je le croy difficilement, voyant la beauté de vostre visage, et ayant ouy dire combien il a souffert de mespris de Celidée sans changer. La beauté, belle Astrée, est une glu de laquelle il est bien mal-aisé de se dépestrer,