Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/447

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pour le moins agreables ? J’espreuve, et en cela je n’accuse que mon peu de merite et mon malheur trop grand, j’espreuve, dis-je, que tout ce qui est profitable à tous les autres qui aiment, m’est entierement inutile. Mon extreme affection vous outrage, mes services vous desplaisent, ma patience se rend mesprisable, ma constance ennuyeuse, et l’aage que je passe en vous aymant, servant et adorant, tellement infructueuse, que peut-estre encores n’avez-vous pas pris garde que je sois à vous. Dieux ! cette cruauté ou plustost cette mescognoissance, pour ne dire ingratitude, accompagnera-t’elle tousjours cette belle ame, et jamais ne permettrez-vous que ce cœur de diamant s’amolisse à mon sang, que je verse par les yeux en forme de larmes ?

A ce mot Paris se teut, tant parce qu’il eut peur que ses yeux ne fussent assez forts pour retenir dans la paupiere les pleurs que ces paroles luy arrachoient du cœur, s’il continuoit son discours que pour donner loisir à Diane de luy dire quelque parole qui le peust consoler. Elle qui l’aimoit, comme nous avons dit, ne pensant pas qu’il fust reduit aux termes que ces propos faisoient paroistre, et ne voulant, s’il luy estoit possible, qu’il partist mal satisfaict, apres avoir tourné les yeux doucement vers luy : Je ne pensois, luy dict-elle, gentil Paris, que vous me tinssiez jamais un tel langage, qui est autant esloigné de mon intention, que le ciel l’est de