Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/476

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grand et le coup si sensible, que me donnant du tout à la douleur, je tombay en la maladie que vous avez sceue, et de laquelle je ne suis pas encore ny n’espere jamais estre bien guerie. Et lors que vous m’avez tenu ce langage de vostre humeur ferme et arrestée, je me suis ressouvenue de semblables discours que si souvent ceste belle et sage fille m’a tenus, et depuis si mal observez, et cette pensée a esté cause du changement que vous avez recogneu en mon visage.

– Madame, dit Astrée, je suis marrie d’avoir esté cause de vostre ennuy. Je m’asseure que vous m’en jugerez bien innocente, et que si j’en eusse sceu quelquechose, je n’eusse pas commis ceste faute. Mais qui eust jamais pensé vous voyant si belle, et si remplie de ces perfections, qui peuvent convier et retenir la bien-vueillance de tout le monde, que vous eussiez rencontré une fille de l’humeur dont vous la despeignez, et si peu advisée que de laisser volontairement eschapper de ses mains un bonheur que chacun doit desirer et rechercher si soigneusement. Mon Dieu ! madame, combien me semble-t’il que j’eusse esté plus curieuse de la conservation d’un si grand bien, si le Ciel, outre mon merite, m’eust eslevée à une si grande fortune ! Et avec combien de soing la rechercherais-je si je pensois qu’avec peine et travail je la peusse quelquefois obtenir ! Mais le Ciel qui m’a regardée d’un mauvais œil à