Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/509

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venu que pour chercher à vivre, voyant le cheval mort de l’estranger, se jetta dessus pour s’en saouler. Mais le chevalier qui en avoit receu tant de bons services, pensa que ce seroit ingratitude, ou faute de courage, de le laisser devorer sans le deffendre. Il s’avança donc l’espée haute pour le frapper, ce que voyant la nymphe, et craignant que le lyon ne se mist en furie et n’offençast ce chevalier, elle se mit à crier, et à le supplier de ne point frapper ; mais luy qui en toute façon ne vouloit souffrir ceste indignité, ne laissa de marcher droit au lyon, et parce qu’il avoit le dos tourné, il ne le voulut frapper par derriere, mais le huant, le fist tourner de son costé.

Le furieux animal se voyant menacer avec l’espée qu’il tenoit haute, fit un saut à costé, comme s’il eust voulu aller vers ces belles nymphes, ce que craignant le chevalier, il ne fut guere moins prompt à courre entre deux, si bien que le lyon qui se le trouva encore au devant, fist un grand rugissement, et battant de sa queue le terrain, et rouant les yeux ardens, faisoit semblant de luy vouloir sauter dessus. Et sans l’enchantement qui l’en empeschoit, il n’y a point de doute qu’il l’eust fait, mais ceste force estant plus grande que la sienne, il fut contraint de se destourner au petit pas, et s’aller paistre du cheval d’Argantée duquel apres s’estre saoulé, il emporta une partie du reste, suivant sa coustume, à l’autre lyon, qui estoit demeuré à la garde de la fontaine. Le chevalier voyant que le lyon alloit du costé