Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/540

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Et parce que je voyois estendu dans le lict toutes ces choses, je voulus m’efforcer de me relever un peu pour le mieux considerer, mais il me fust impossible, tant pour la foiblesse, que pour la douleur de mes blesseures. Estant donc contraint de demeurer en l’estat où l’on m’avoit mis, je commençay de taster de la main où je sentois de la douleur, et trouvant les bandages et les choses qu’on m’y avoit appliquées, je demeuray encores plus estonné. Alors, ne pouvant m’imaginer comme toutes ces choses m’estoient advenues, je m’allois ressouvenant des choses que les estrangers nous racontent des nymphes des eaux et des déesses qui demeurent dans les fleuves, me condamnant presque d’incredulité de ce qu’autresfois je m’en estois mocqué, et qu’il estoit impossible que cette habitation ne fust une des leurs.

Mais comme l’esprit vole incessamment d’un penser en un autre, et que c’est l’ordinaire que ceux qui nous plaisent ou nous desplaisent le plus,sont ceux qui nous reviennent le plus souvent en la memoire, je me ramenteus la cause de mes desplaisirs, et l’ingratitude de Madonte. Souvenir qui me toucha si vivement le cœur qu’il m’arracha un assez grand souspir, pour estre ouy du bon druide qui estoit assis à la porte, attendant qu’il fust heure de me venir voir. Soudain qu’il m’ouyt, il entra dans la chambre, et sans dire mot, apres m’avoir un peu consideré, s’en alla ouvrir la fenestre